L’Amour est la clé !
Jacques Lusseyran, cet homme qui a perdu la vue à l’âge de huit ans, qui a créé son propre réseau de résistance à 16 ans, et passé un an et demi à Buchenwald, à 19 ans. Ses deux livres principaux, « Et la lumière fut » et « Le monde commence aujourd’hui » sont d’une richesse spirituelle très rare, doublée d’une qualité d’écriture aussi exceptionnelle.
Jacques Lusseyran perd la vue à huit ans, mais c’est aussi à ce moment-là qu’il découvre véritablement la lumière. Il découvre cette lumière intérieure qui est en chacun de nous et qui, dit-il, sous-tend celle que captent nos yeux. Les pages qu’il consacre à la façon dont il perçoit le monde tout en étant aveugle sont absolument fascinantes. C’est presque comme si, finalement, c’était lui qui nous apprenait à voir. Voir au-delà des apparences. Dans « Le monde commence aujourd’hui« , il dit notamment :
« Affirmer la réalité extérieure c’est vider l’univers de sa substance. Sans la lumière que nous portons en nous, jamais nos yeux ne pourraient s’ouvrir sur les objets lumineux, sur les lumières du monde. Si la vibration fondamentale n’était pas en nous, jamais nous ne pourrions percevoir un son. Si l’amour n’était pas en nous, jamais nous ne pourrions être amoureux de cet être particulier que nous appelons, « notre amour ». Si Dieu n’était en nous jamais ne pourrions espérer devenir des hommes. »
Mais pour en venir maintenant à l’objet de cet article, Jacques Lusseyran révèle ensuite quelle est la clé essentielle de cette capacité à voir sans les yeux (les gras/italiques sont de moi) :
« Comme tout aveugle, il m’est souvent arrivé de me heurter. Mais j’ai très vite appris que je me heurtais seulement quand j’oubliais la lumière. Si, au contraire, je la regardais constamment, je courais beaucoup moins de risques. Et la seconde grande leçon est venue presque aussitôt. Pour pouvoir regarder la lumière intérieure, il n’y avait qu’un moyen : aimer. Si j’étais pris de chagrin, si j’étais en colère, si j’enviais ceux qui avaient leurs yeux, si je me laissais aller à quelques rancunes ou quelques jalousies, aussitôt la lumière diminuait. Parfois, elle s’éteignait tout à fait. Alors, je devenais aveugle. Mais la cécité, c’était cela : ne plus aimer, être triste ; ce n’était pas avoir perdu les yeux. »
Et plus loin :
« Peu à peu, je compris qu’aimer c’était voir, et que haïr, c’était cela la cécité, la nuit. (…) La tristesse, la haine ou la peur n’assombrissaient pas seulement mon univers, mais elles le rapetissaient. Alors, le nombre des objets que j’étais capable d’embrasser en moi, d’embrasser du regard, diminuait. Positivement, je me heurtais partout. À l’intérieur, êtres et choses devenaient obstacles. À l’extérieur, je n’évitais plus les portes et les meubles. J’étais puni très bien et très vite. »
Il n’aura de cesse de le dire et le redire dans ses divers écrits et conférences retranscrites, et de l’illustrer de nombreux exemples : c’est l’amour qui est la clé, la seule et unique clé, de cette perception qui est la sienne, tout aveugle qu’il est.