De l’enfance aux racines familiales : la honte et la culpabilité comme héritage caché
La culpabilité et la honte sont deux émotions que nous connaissons tous, et qui pourtant restent difficiles à apprivoiser. Elles sont intimement liées et prennent souvent racine dans l’enfance, dans le regard que nous recevons de nos parents, de nos éducateurs, ou encore de notre environnement familial.
La culpabilité, c’est ce sentiment d’avoir mal agi : « j’ai fait quelque chose de mal ». La honte va plus loin : elle touche à l’identité même, en nous faisant croire « je suis mauvais ». Boris Cyrulnik décrit la honte comme une « souffrance sociale » (Les vilains petits canards, 2001), car elle surgit dans la peur du rejet et dans la crainte de ne plus être digne de l’amour ou de l’appartenance.
Quand l’héritage familial entre en jeu
En psychogénéalogie, on observe que ces émotions ne viennent pas seulement de notre vécu personnel. Elles s’inscrivent aussi dans une mémoire familiale inconsciente. Comme l’a montré Anne Ancelin Schützenberger (Aïe, mes aïeux !, 1993), certaines culpabilités ou hontes se transmettent de génération en génération, comme des dettes invisibles.
Un secret de famille, une faute passée, un événement non dit peuvent devenir un poids émotionnel porté par les descendants, parfois sans qu’ils comprennent pourquoi ils ressentent cette culpabilité ou cette honte si intensément.
Alice Miller, dans C’est pour ton bien (1984), explique aussi combien l’éducation traditionnelle a souvent utilisé la culpabilisation et la honte comme outils d’obéissance. L’enfant, pour rester aimé et accepté, a intégré ces émotions au plus profond de lui, au point d’en faire des réflexes automatiques à l’âge adulte.
Le « manteau invisible »
On pourrait dire que la culpabilité et la honte ressemblent à un manteau invisible que l’enfant enfile sans s’en rendre compte. Ce manteau le protège un temps, car il lui permet de rester fidèle aux attentes familiales. Mais à long terme, il devient lourd, il étouffe les autres émotions, il freine la joie, la confiance et l’élan de vie.
Se libérer de ce qui ne nous appartient pas
La bonne nouvelle, c’est que ces émotions ne sont pas innées. Elles sont apprises, transmises, reçues. Cela veut dire qu’il est possible de les remettre à leur juste place. Le travail en psychogénéalogie, en thérapie ou en accompagnement personnel permet de reconnaître ce qui vient de soi et ce qui appartient à l’histoire familiale.
Peu à peu, en déposant ce manteau invisible, chacun peut retrouver sa valeur profonde, indépendante des jugements passés, et renouer avec une identité plus libre et plus vivante.